Un Sacre mis en scène par Lorraine de Sagazan fait partie de ces œuvres nécessaires car elles ouvrent des espaces dont nous manquons aujourd’hui. Dans ce spectacle, il est question de la mort, sujet extrêmement tabou dans nos sociétés où tout est fait pour l’occulter. Et cela commence par un déni collectif du vieillissement et plus particulièrement pour les femmes qui cachent leurs cheveux blancs et les transformations de leur corps. C’est pourtant étrange car s’il y a bien une certitude que nous pouvons tous et toutes partager, quelle que soit notre culture, notre langue, nos origines, notre milieu social, c’est que nous allons mourir.
Il y a un côté rassurant à savoir comment le film termine : « ils meurent tous à la fin ». Bien sûr nous ne savons ni l’heure ni la manière mais cela devrait nous suffire à profiter pleinement de tous les instants. Au lieu de ça nous ruminons le passé, cultivons l’art de la fuite en avant alors qu’il serait pourtant si simple d’être, ici et maintenant.
Nous sommes empêchés par nos héritages, par nos expériences, par nos accidents, par nos douleurs et nos expériences de la mort font partie des plus marquantes. Lorsque nous y sommes confrontés, une fois les démarches administratives effectuées, nous sommes souvent livrés à nous-mêmes… et ce n’est pas toujours dans l’immédiat que c’est le plus compliqué, c’est dans la durée.
L’attention portée par les autres, par nos proches s’estompe au fur et à mesure des mois qui passent mais la douleur reste, peut même grandir et s’infiltrer. Ce phénomène peut être aggravé dans certaines circonstances, comme le manque de rituel au moment du décès : une disparition et l’absence de corps, la période du covid qui a empêché les proches de malades ou de personnes âgées de se réunir et d’enterrer les défunts.
C’est cette absence de prise en charge qu’a entendu Lorraine de Sagazan avec une certaine urgence comme une nécessité de restituer la mort oubliée. Le spectacle est construit autour de 9 récits de vie et de mort, magnifiquement portés par des comédiens très engagés qui, avec beaucoup d’humilité et chacun à leur manière, se mettent au service des personnes qui ont été rencontrées et écoutées.
Chaque histoire est singulière mais parle à toute l’humanité car elle pose les questions de fond :
- A partir du rite social et funéraire, comment renforcer sa propre sécurité intérieure ?
- Face à la terreur de la noyade, comment ne pas se laisser emporter ?
- Face à la mort d’un père abuseur, comment digérer la culpabilité ?
- Dans l’accompagnement des derniers instants d’un parent tant aimé, comment laisser la joie s’exprimer ?
- « Après la fin, il y a quoi ? »
C’est là que tout recommence et il est parfois nécessaire d’être écouté, rassuré, aidé pour que le processus d’intégration permis par le deuil puisse pleinement se réaliser.